La pratique philosophique se base sur la maïeutique socratique. Socrate allait à la rencontre des citoyens athéniens pour leur poser des questions, pour qu'ils s'interrogent sur eux-mêmes. On parle, ainsi, d'accouchement des âmes, car cet art de questionner nous met face à notre discours, et permet de dévoiler le regard que nous portons sur les choses, notre manière de penser, notre manière de nous exprimer.
La pratique philosophique offre une révélation de qui nous sommes, individuellement ou collectivement, par la simple analyse de notre discours. Il s'agit d'un dialogue, d'une mise en cohérence des idées.
La seule condition requise est d'accepter de jouer le jeu de la philosophie, ce qui s'avère parfois plus difficile qu'il n'y parait.
Dans le théâtre grecque, l'ironie tragique est une scène où un personnage n'a pas conscience de la situation dans laquelle il est. Victime de son ignorance, ses paroles se retournent contre lui, ou contre ce qu'il défend.
Cette scène ne nous est pas étrangère. L'esprit humain a tendance à être focalisé sur ses propres idées, ses propres récits, ne voyant pas toujours qu'il est déconnecté de ce qui se passe ou de ce qui se dit. Ce phénomène est à l'origine de nombreux conflits internes, lorsque nous sommes submergés par nos idées et que nous sommes incapables de nous en extirper. Ces conflits deviennent externes, lorsque les individus ne se comprennent plus et restent dogmatiquement dans leurs récits respectifs. C'est que l'on nomme, généralement, un dialogue de sourds, qui est l'expression collective de l'ironie tragique.
La première étape de la pratique philosophique est donc de prendre conscience de cet état que nous partageons tous : l'ignorance de notre ignorance, sans quoi, le dialogue se transforme en un débat passionnel d'opinions.
Une fois le dévoilement de notre être réalisé, il s'agit de l'y maintenir, en acquérant une forme d'autonomie, de capacité à s'auto-questionner.
Savoir philosopher, c'est savoir "se penser", penser sa pensée, en dehors de soi. Mais contrairement, à ce que nous croyons, ce n'est pas si simple que cela. Problématiser, nuancer, donner de la perspective est un art difficile. S'extirper de ses idées, explorer des visions alternatives, est un acte périlleux, que l'esprit a tendance à rejeter, par mécanisme d'autoprotection.
L'art du questionnement est donc un art fragile, qu'il faut apprivoiser et entretenir, pour ne pas chuter de nouveaux dans les agitations émotionnelles de l'esprit.
La seconde étape de la pratique philosophique est donc de vous rendre autonome dans l'art de questionner. Cet art est utile pour le développement personnel, mais également pour tout développement collectif.
La philosophie revêt, depuis longtemps, une image très disciplinaire, réservée à une certaine élite intellectuelle, qui se limiterait à la connaissance des auteurs et des courants de pensée à travers l'histoire.
Une telle vision réduit, cependant, l'acte du philosopher, qui s'étend bien au delà d'un savoir normalisé, à travers l'activité de penser, qui nait dans tout étonnement, tout questionnement, dont est capable chacun d'entre nous, dès le plus jeune âge.
La pratique philosophique est l'acquisition, non pas d'une connaissance académique et dépendante, mais d'une connaissance progressive et autonome, de soi et de l'autre, permettant de mieux comprendre le monde qui nous entoure.
C'est une philosophie pratique, car elle est utile à tous !
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