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Les limites de la liberté individuelle

19/05/2024

Les limites de la liberté individuelle

Nos désirs peuvent-ils devenir contraignants, si nous ne les restreignons pas ?

La liberté nous semble être un concept familier, cependant, chaque individu parait en avoir une interprétation personnelle. Alors comment débattre d’un thème, apparemment, si crucial, si nous ne sommes pas en mesure d’en partager une définition commune ? C’est la question à laquelle tente de répondre Aurélien Berlan, dans son livre Terre et Liberté (2021). Il identifie, ainsi, deux types de liberté : le fantasme de délivrance et la quête d’autonomie.

 

Notre civilisation occidentale, héritière du modèle de la Grèce classique de « l’homme libre », mêlé à la philosophie judéo-chrétienne du « libre-arbitre », voit en la liberté un pouvoir d’agir sans contrainte. D’une part, l’influence grecque tend à pousser l’Homme contemporain à s’émanciper des sujétions naturelles, grâce à sa rationalité. D’autre part, la liberté individuelle, ou libéralisme, trouve sa source dans le pouvoir d’agir chrétien. Passant d’un cheminement vers le Bien (morale divine) à un cheminement vers le bien (morale individuelle), le libéralisme tend, finalement, à s’émanciper des contraintes sociales. Selon Berlan, ce besoin irrépressible de libération, à la fois d’ordre naturelle et sociale, peut être résumé sous le concept de fantasme de délivrance.

Pour lui, il s’agit d’une nature « négative » de la liberté, dans la mesure où celle-ci est vue comme une absence de. La liberté s’éprouve, alors, dans le fait d’être « libéré de » quelque chose (d’une entrave qui nous gêne). Toute la société contemporaine serait, ainsi, fondée sur la notion de volonté, qu’Hannah Arendt identifiait déjà, il y a un demi-siècle. Cette volonté de l’individu, soutenu par un modèle productiviste, d’une part, et par une expansion technoscientifique, d’autre part, est confronté à ce que Berlan nomme « le vertige des possibles », c’est-à-dire une sensation permanente d’excitation face à une infinité de possibilités qui s’offre à nous. Cette ivresse de volonté isole l’individu dans une illusion de puissance et de sécurité, garantit par une délégation à un système global, lui offrant un déchargement des contraintes de la vie quotidienne et politique. Ce fantasme de délivrance peut être qualifier de liberté pathologique, dans le sens où il répond à un besoin impulsif (páthos : affect), et est de nature curative.

 

Cependant, au-delà de nos réactions irréfléchies, Aurélien Berlan identifie une autre forme de liberté, moins mutilante, de nature « positive », dans la mesure où celle-ci est vue comme une présence de. La liberté deviendrait le fait d’être « libre pour » quelque chose (un sens qui nous anime). Les difficultés que chacun rencontre ne sont, alors, plus des contraintes mais des facteurs avec lesquels il faut composer. Berlan parle ainsi de quête d’autonomie, littéralement, une recherche de gestion résiliente. L’esprit ne serait plus dans un affrontement (volonté) mais dans une action constructive (intention), pour favoriser un état d’osmose. On pourrait, ainsi, qualifier cette quête d’autonomie de liberté sophrologique, dans le sens où elle appelle à une sagesse pérenne (sôphron : âme saine) et est de nature préventive.


Cette vision alternative de la liberté nous invite à nous interroger sur notre manière court-termiste d’interagir avec le monde et sur les résonnances de nos comportements individualistes.

 

Texte issu de l'article " Les limites de la liberté individuelle ", paru dans le journal La Trousse Corrézienne, Avril 2024, N°50

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